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A la découverte de mes ancêtres
5 novembre 2019

D comme Deuil ou la perte d'un enfant

Au travers des 93 lettres reçues par Clémentine entre 1854 et 1865, les deuils et les chagrins furent nombreux mais un plus particulièrement, celui de son quatrième enfant la fera tomber dans un profond chagrin. 

« J'ai vu mourir ma mère, mais rien n'égale la douleur qu'on éprouve en assistant à l'agonie de son enfant... »

Alexandrine écrit ces lignes dans les années 1854, son fils Roger vient d'être gravement malade et il a même été cru mort. Il se remettra doucement, mais quelques années plus tard tous les enfants attrapent la coqueluche, la scarlatine et malheureusement son quatrième enfant, Georges décédera car il est bien jeune, il a moins de 2 ans c'est le 10 avril 1863.

 Alexandrine écrit à Vienne le 20 avril :

« J'ai été si tourmentée que je n'ai pas pu vous répondre, Jeanne ( elle a 8 ans) était si malade au moment même où j'ai reçu votre lettre que je ne savais plus où j'en étais, j'ai cru aussi qu'elle était perdue. Elle a pris des saignements de nez qui l'avaient bien affaiblie après elle a eu la rougeole qui est mal sortie, puis sans être sortie du lit, elle a eu une espèce de fluxion de poitrine et enfin vendredi elle avait été prise d'un accès de fièvre pernicieuse, heureusement avec de la quinine à forte dose on a empêché le retour de l'accès. Maintenant elle va un peu mieux, on pourra la lever dans huit ou dix jours, si elle continue à aller mieux.

Elle commence à s’intéresser à tout ce qui l'entoure, elle demande sa poupée, j'ai été obligée de prendre une ouvrière pour travailler à habiller cette poupée, mais elle ne parle jamais du pauvre petit Georges. Elle sait bien qu'il est mort, mais elle n'en parle pas. Roger ( il a presque 11 ans) lui au contraire a eu un chagrin qui m'a surpris. Quand je lui ai dit que son petit frère était bien mal il s'est levé tout de suite, est arrivé demander la permission de l'embrasser en disant qu'il ne lui mettrait pas sa rougeole, il s'est tenu près du pauvre petit, jusqu'au moment où il est mort. Nous l'avons habillé tous les deux puis nous ne l'avons plus quitté. Il a été chercher son livre et son chapelet de première communion, les a mis dans les mains de son frère, il lui parlait, lui demandait de prier le bon Dieu pour lui. J'ai été bien touchée de lui voir toute cette sensibilité.

Vous me demandiez ce qu'avait eu mon pauvre Georges, il avait pris la coqueluche, il s'est enrhumé au soleil, puis le 13e jour de ce rhume il a pris sans être sorti de la chambre une fluxion de poitrine. Le jour de Pâques, le vendredi matin sa poitrine s'est un peu dégagée et aussitôt le cerveau s'est pris, il est mort dans mes bras après une agonie de quatre heures mais sans convulsions. Il était devenu si joli que je ne pouvais pas le croire mort. Encore maintenant il me semble que quand Jeanne sera guérie on me le ramènera, je ne puis pas m'habituer à penser que je ne le verrai plus. Je ne pense qu'à lui. Je le vois sans cesse mais je l'aimais trop, il me semble que je l'aimais plus que les autres. »

Vienne Le 5 mai :

« Jeanne va mieux, mais nous ne pouvons toujours la lever que pendant une heure, hier elle était très souffrante et le docteur craignait une inflammation des intestins occasionnée par la grande quantité de quinine. Aujourd'hui il n'est plus inquiet et nous engage à partir tout de suite pour Saint Jean (de Bournay), il nous assure que le changement d'air fera grand bien à Jeanne. Il dit même qu'elle ne peut guérir qu'à la campagne. Je suis là attendant une belle journée, nous devons l'emporter couchée, elle est tellement faible qu'elle ne pourrait pas voyager autrement. Je n'ai plus de nouvelles à vous donner que de trois et mon Georges est pourtant toujours celui qui m' occupe le plus, je ne puis penser à autre chose. Il me semble que depuis que je n'ai plus ce pauvre petit, que je n'ai plus rien à faire au monde. » ….Ils ont tous été bien joyeux des œufs de Pâques que vous leur avez envoyés, même mon Georges qui a encore pu jouer avec le sien, il ne me reste maintenant que cela, avec deux tristes joujoux et quelques mèches de cheveux que je lui ai coupées. »

DSCN3655

Lettre du 5 mai 1863 portant encore la trace des larmes d'Alexandrine.

St-Jean deBournay Le 29 mai :

"Maintenant qu'on la sait sauvée, tous ses trois médecins ont été d'accord pour me dire qu'elle a été un mois en danger et que deux fois ils l'ont cru perdue. Je ne sais pas ce que je serais devenue....Plus que jamais je pense à mon pauvre petit Georges, tout ici (à la campagne) me le rappelle, nous avions passé de si bons mois l'année dernière, je l'avais tant porté par tous ces petits sentiers où je repasse seule cette année, je ne puis pas m'habituer à l'idée de ne plus voir ce pauvre petit...J'ai des regrets de ne pas avoir son portrait, je l'avais habillé un jour pour lui faire faire sa photographie à un de ces mauvais photographes de passage, car à Vienne il n'y en a pas, puis j'ai pensé qu'il bougerait trop, et aujourd’hui je suis désespérée, je donnerai tout au monde pour avoir son portrait. Vous rappellez vous ce petit bonnet à entre-deux de dentelles que vous lui aviez monté, il ne lui a servi que dans son cercueil, vous ne pouvez pas savoir comme il était joli mon pauvre Georges, j'ai sans cesse ce pauvre enfant devant les yeux. Vous me pardonnerez n'est-ce pas? Je n'en parle qu'avec vous, j'ai peur d'ennuyer les autres et vous je sais bien comme vous êtes bonne. »

 

 

 

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Commentaires
B
Pour étoffer cela, je partage quelques lignes, écrites en 1878, du testament de Virginie dont je parlais plus haut :<br /> <br /> « Je vous prie de me faire ensevelir avec le drap qui est au fond du coffre mortuaire placé dans ma commode. C’est le dernier qui ait touché mon petit Ivan.»<br /> <br /> Son enfant était mort depuis 34 ans et elle en avait eu d’autres.
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R
Oui surtout que j'ai entendu quand j'étais jeune, que les femmes autrefois n'avaient pas de chagrin, car elles avaient beaucoup d'enfants et que me foi......Quelle idée abominable....Pour avoir lu des récits du XVIe s. au XIXe s. écrits autant par des hommes que par des femmes, le chagrin a toujours été viscéralement présent.
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B
Ces mots sont d'une tristesse ! Une mère n'oublie jamais le deuil de son enfant. J'ai lu des témoignages d'une mère, à la fin de sa vie, écrivant son chagrin, toujours vif, d'avoir perdu un bébé, 50 ans auparavant.
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F
Merci de partager ces lettres avec nous. Elles sont si émouvantes, si précieuses... et, pour celles-ci, si tristes !
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